Voilà des mois que les médias s’interrogent sur leur potentiel retour. Avec la hausse faramineuse du coût de la vie et la réforme des retraites qui se profile, les « gilets jaunes » vont-ils revenir ? Le 19 novembre 2022, ils étaient très peu à Paris – 700 selon la préfecture, quatre fois plus selon les manifestants – pour fêter leur quatrième anniversaire. Ce samedi 7 janvier, les ambitions s’annoncent plus fortes, à Paris et dans plusieurs grandes villes de France.
L’appel, concocté par des piliers du mouvement, vise large : « pour une justice sociale, fiscale et climatique, pour le RIC [référendum d’initiative citoyenne], contre les 49.3 [disposition constitutionnelle qui permet au gouvernement, qui vient de l’utiliser à dix reprises en deux mois, de faire adopter un texte sans vote], contre l’inflation, pour la paix, contre la réforme des retraites, contre l’augmentation des produits de première nécessité… ». « Tous les citoyens qui souffrent » sont les bienvenus, explique Jamel Bouabane, coorganisateur de cette manifestation. « Quand je vois l’écho sur les réseaux sociaux et dans les médias, je me dis qu’on peut rassembler énormément de monde », ajoute-t-il.
Partout, dans les médias, on évoque une « giletjaunisation » des mouvements sociaux. De fait, les actions récentes, comme la grève des contrôleurs de la SNCF ou celle des médecins libéraux, ont été déclenchées, à l’image de la mobilisation des « gilets jaunes », en dehors de tout cadre syndical. Mais, au-delà de ces similitudes de forme, y aura-t-il une convergence des protestations dans la rue ? « Vous avez vu la vidéo de ce boulanger qui a protesté sur un rond-point, avec des “gilets jaunes”, parce qu’il a vu ses charges passées à 10 000 euros ?, relate Jamel Bouabane. Eh bien, j’espère que tous ces artisans et petits commerçants nous rejoindront. »
Jérôme Rodrigues, figure historique du mouvement, émet des doutes :
« Tout le monde parle d’un “retour”, mais ce ne sont pas les “gilets jaunes” seuls qui vont réenclencher quoi que ce soit, parce qu’il y a eu trop de sang. Les gens ont peur de descendre dans la rue ! Sans parler du fait qu’à 2 euros le litre d’essence, qui va traverser la France pour venir manifester à Paris ? »
Priscillia Ludosky ou Maxime Nicolle présents
Sur internet, dans les groupes de discussions, le ton des commentaires varie. « Au boulot, tout le monde demande si on va reprendre », se réjouit Manuel Timili, un ouvrier éborgné par une grenade lacrymogène le 16 novembre 2019, place d’Italie, à Paris, lors du premier anniversaire des « gilets jaunes ».
Nombreux sont ceux qui disent ne plus croire en l’efficacité d’une énième mobilisation. « J’ai milité à fond non-stop pendant des mois, j’ai gaspillé beaucoup d’argent et de temps […] et résultat, ben hélas, rien de rien », explique une femme,qui fustige « la promenade du samedi » et attend que « ça pète ». Beaucoup relèvent amèrement, par comparaison, qu’un million de personnes sont sorties sur les Champs-Elysées le soir du 31 décembre 2022… « pour un feu d’artifice »
Ce samedi, en tout état de cause, des figures historiques du mouvement devraient être là, comme Priscillia Ludosky ou Maxime Nicolle. Eric Drouet, que les « gilets jaunes » ne voient plus depuis longtemps sur le terrain, s’est fendu sur la page Facebook « la France en colère » d’un « 2023 ça va être quelque chose […] j’espère que les gens vont se réveiller ! ! ! », mais il n’a pas précisé s’il prendra part à la manifestation de samedi.
Jérôme Rodrigues, lui, a déclaré forfait 48 heures avant. « #Jarrête » a-t-il soudainement annoncé, jeudi, sur les réseaux sociaux. S’il a depuis retiré son message, il confirme à « l’Obs » qu’il ne participera pas à la mobilisation de samedi. Ce n’est pas la première fois que le « gilet jaune » éborgné, fatigué par quatre ans de combat et miné par des problèmes personnels, annonce son retrait. Est-il définitif cette fois ? A nos demandes d’explication, il a répondu par SMS : « Je m’en vais de tout ça, je vais partir, je pense très longtemps, je veux trouver une vie normale. »
Symboliquement, le coup est rude pour le mouvement. Mais, dans les faits, les « gilets jaunes » n’ont jamais dépendu d’un leader pour se mobiliser. Quoi qu’il en soit, à l’aube d’un mois de janvier qui s’annonce socialement mouvementé, ce samedi 7 janvier aura valeur de test pour le gouvernement.
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