Inflation : Chauffer moins, reporter les fêtes… Face à l’envolée des prix, les maires contraints « de faire des choix »

 

REPORTAGE – Au Salon des maires, à Paris, les élus témoignent de leurs difficultés à boucler leur budget

Dans les couloirs feutrés du Parc des expositions de Paris, des maires venus des quatre coins de France discutent ce mercredi par petits groupes. Au 104e congrès de l’Association des maires de France (AMF), l’inquiétude domine. Car l’inflation galopante, et notamment l’explosion des coûts de l’énergie, ont un impact important sur les finances des communes. Selon une enquête du Cevipof parue lundi, 35 % des 3.700 maires interrogés se disent « très préoccupés » et 42 % « préoccupés » par cette hausse des coûts, qui obligent bien souvent les élus à devoir faire des choix contraignant.

 

« 350 % d’augmentation des dépenses énergétiques »

« L’inflation, c’est un vrai sujet pour nous », souffle Jean-Marc Bergia, maire de Saubens, en Haute-Garonne. « Il y a l’inflation générale sur tous les produits, comme les fournitures d’école, mais c’est surtout l’énergie qui nous fait mal. Entre l’eau, le gaz, l’électricité, on a cette année une augmentation de 350 % des dépenses énergétiques, c’est énorme. S’ajoute par exemple la hausse du point d’indice pour nos 10 agents… », énumère l’élu. En juillet dernier, le gouvernement a en effet annoncé l’augmentation de 3,5 % du point d’indice des agents de la fonction publique.

Une nouvelle dépense qui s’ajoute à d’autres, liées elles aussi à l’inflation. « Concernant la voirie, pour l’entretien des routes, le prix des matériaux a doublé ; sur les bâtiments, on est à environ plus de 30 % de hausse. Cela se ressent dans les factures », confie Philippe Brochet, maire de Chamblay, village de 400 habitants dans le Jura. Mais c’est bien l’explosion des prix de l’énergie qui est pointé du doigt par les élus ce mercredi. « C’est notre première préoccupation. Notre commune est à 1.100 mètres d’altitude, il faut bien qu’on se chauffe ! », ironise Jean-Pierre Santy, maire de Saint-Bonnet-le-Froid, commune de Haute-Loire de 240 têtes.

 

Le gouvernement a certes annoncé fin octobre la mise en place d’un « amortisseur électricité » et d’un nouveau « filet de sécurité » pour aider les communes ces prochains mois, mais sans trop de précisions sur leur fonctionnement. « Est-ce qu’on aura ce bouclier ? Et combien on aura ? C’est dur de se projeter car on ne sait rien, si ce n’est que les prix de l’énergie vont continuer d’augmenter. En attendant, on a décidé de fermer la salle communale tout l’hiver », ajoute l’élu d’Auvergne-Rhône-Alpes.

 

« Le moins possible d’événements publics »

Pour ne pas faire exploser le budget, les mairies se serrent la ceinture et usent parfois du système D. Première solution, la baisse du chauffage donc, et la réduction des éclairages publics, voire l’extinction totale pour Marie-Claude Nouvel, à Seignalens. « Notre éclairage, qui n’est pas encore du LED, est très énergivore. Donc en attendant le changement, on a décidé de couper toutes les lumières le soir. Ca nous fait un gain de deux tiers sur la facture », justifie l’élue de cette petite ville d’une trentaine d’habitants dans l’Aude.

Philippe Brochet a, lui, été contraint d’aller plus loin. « Dans les bâtiments publics, on a coupé l’électricité la nuit, changé les radiateurs, on va revoir les contrats téléphoniques. On recherche des économies un peu partout, mais on arrive au bout du bout. A un moment, on ne peut plus. Donc on est obligé de faire des choix : aujourd’hui, on repousse la rénovation du patrimoine pour investir dans l’école ». D’autres ont pris les devants, comme Gaston Grand, maire de Gabillou, en Dordogne. « Je fais le plus possible de travaux moi-même, j’ai refait tous les plafonds de la mairie en n’achetant que les matériaux, j’ai économisé plus de 20.000 euros », se satisfait-il. « Mais l’inflation a un impact sur la vie de la commune : on fait le moins possible d’événements publics, comme le comité des fêtes, ce genre de choses… Ou on les déplace à cet été pour réduire les frais énergétiques ».

 

La taxe foncière, seul levier pour les communes ?

Côté bonnes nouvelles, Elisabeth Borne a annoncé en octobre une hausse de la dotation globale de fonctionnement (DGF) pour les collectivités territoriales en 2023, à 320 millions d’euros, évoquant un effort inédit depuis treize ans. Mais ce geste, qui ne rattrape pas l’inflation, n’est pas suffisant pour les élus interrogés, qui regrettent toujours autant la suppression de la taxe d’habitation. Alors, certains sont désormais tentés d’augmenter la taxe foncière. « On va décaler l’achat de fourniture, d’un véhicule par exemple. Mais la taxe foncière, c’est le seul levier qu’il nous reste », assure Eric Février, maire de Saint-Mamet-la-Salvetat, dans le Cantal. « On utilise encore beaucoup de fioul à la campagne. Les comptes ont explosé, il faut dégager des sous pour honorer les factures », dit-il, alors que le prix du fioul s’est envolé de près de 70 % en 2022.

« Je n’ai jamais augmenté les impôts depuis 2014, mais là, les recettes sont insuffisantes et on n’a plus que le foncier pour agir », abonde Jean-Marc Bergia, maire de Saubens. «Il faut continuer de faire tourner la boutique, sinon c’est moins de services publics, moins de nettoyage dans les écoles… », dit-il. Avant d’ajouter : « Maire, c’est un métier passionnant, mais il faut avoir la foi ». Selon un sondage de l’Ifop publié ce mercredi, certains l’ont perdu : plus d’un maire sur deux (55 %) ne souhaiterait pas se représenter à la fin de son mandat en 2026, un record en vingt ans

 

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crédit photo: capture d’écran

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