« On n’y arrive plus »… Nathalie Appéré désemparée face aux enfants qui dorment à la rue
La maire socialiste de Rennes demande à l’État « de respecter la loi » pour trouver un toit à 38 enfants et à leurs familles
Dans une prise de parole plutôt inhabituelle, la maire de Rennes Nathalie Appéré a dénoncé la situation de familles à la rue.
L’élue socialiste tance l’Etat d’héberger ces familles comme l’impose la loi, afin d’éviter que des enfants ne dorment à la rue.
Comme Nantes, Rennes dépense environ 4 millions d’euros par an pour mettre à l’abri des familles en attente d’un statut.
Le ton était grave, le rendez-vous inhabituel.
Mercredi, la maire de Rennes Nathalie Appéré a convié la presse dans les murs d’un petit immeuble du quartier populaire du Blosne.
C’est dans ce centre d’hébergement d’urgence baptisé Estrémadure que vivent une centaine de personnes en attente d’une décision de la préfecture de régulariser, ou non, leur situation.
Ouvert à l’automne 2020 par la municipalité socialiste, le bâtiment devait accueillir des familles « pour quelques jours de mise à l’abri » en attendant de trouver une solution plus stable.
Deux ans après l’ouverture, la plupart des familles sont toujours là, sans solution.
Si la situation est loin d’être enviable, elle a le mérite d’offrir un toit et des locaux chauffés à ces familles venues du monde entier.
Toutes n’ont pas cette chance.
A Rennes, de nombreuses familles sont à la rue, mettant l’État face à son incapacité de les loger.
Une incapacité que la maire de Rennes a décidé de dénoncer face à une poignée de journalistes locaux ce mercredi.
Morceaux choisis.
Pourquoi avez-vous décidé de prendre la parole aujourd’hui ?
Nathalie Appéré : La nuit dernière (mardi à mercredi), 38 enfants ont dormi dans les rues de Rennes.
Cette situation est totalement inacceptable.
Lorsque j’ai été élue en 2014, j’avais pris l’engagement qu’aucun enfant ne dormirait dehors.
C’était un engagement politique mais aussi personnel, un combat.
On a tout fait pour y arriver.
La ville finance 900 à 950 places d’hébergement d’urgence chaque jour, alors que c’est une compétence de l’État.
Nous avons créé un service dédié, nous passons notre temps à chercher des solutions, à bricoler.
On se demande d’ailleurs quelle serait la situation si on ne le faisait pas.
Mais là, on n’y arrive plus.
On est au bout de nos capacités de financement (un budget annuel de quatre millions d’euros y est consacré, comme à Nantes).
Au pays des droits de l’homme, ce n’est pas acceptable.
L’État doit respecter la loi, c’est tout.
Quand j’entends que la ville se défausse sur la préfecture, je suis en colère.
Je suis Républicaine, je crois au droit.
Et le droit, il est clair.
Il dit que l’hébergement d’urgence est la compétence stricte de l’Etat.
Alors, oui, il y a eu des efforts de fait de la part du préfet.
Oui, on a vu des mises à l’abri. Mais on apprend dans le même temps que l’Etat prévoit la suppression de 14.000 places d’hébergement d’urgence.
La situation n’est plus tenable car le système est bloqué.
Ces enfants n’ont rien demandé. Leurs parents attendent qu’on leur donne un statut.
Ils ne demandent qu’à travailler, à se loger.
Je rencontre chaque jour des entrepreneurs qui peinent à recruter.
Notre pays se prive de ces talents.
Quel est le problème selon vous ?
Le problème est que nous sommes dans un no man’s land administratif.
Le système est bloqué par un défaut de notre administration.
Les responsables de l’Ofii (Office français de l’immigration et de l’intégration) et de l’Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) l’ont fait savoir.
J’ai interpellé la Première ministre à ce sujet.
Ces familles sont bloquées pendant des années en attente d’un statut.
Si elles l’obtenaient, elles pourraient laisser la place à d’autres qui sont dans des situations encore plus compliquées.
Là, tout est verrouillé.
Ce que je veux faire passer, c’est un cri d’alarme.
Ces familles, on peut choisir de ne pas les voir, mais elles sont là.
L’État a réussi à le faire pour les familles venues d’Ukraine qui vivent une situation terrible.
Pourquoi ne pas reproduire cela ?
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Crédit photo : Capture d’écran