Les vrais héros de “Hors normes”: “On finit par se demander qui soigne qui….


Les vrais héros de “Hors normes”: “On finit par se demander qui soigne qui”….

Dans “Hors normes”, ils ont les traits de Vincent Cassel et Reda Kateb.

Dans la vie, Stéphane Benhamou et Daoud Tatou aident des cas complexes d’autisme. Rencontre.

Marvel peut aller rhabiller ses superhéros ! Les vrais héros n’ont de super que leur humanité, comme Stéphane Benhamou et Daoud Tatou, des hommes d’exception qui consacrent leur vie à aider des jeunes atteints d’autisme sévère.

Après avoir réalisé un documentaire sur leur action, Éric Toledano et Olivier Nakache en ont fait un film, Hors normes, avec Vincent Cassel et Reda Kateb, qui caracole en haut du box-office (100 000 entrées comptabilisées le premier jour de sa sortie, mercredi dernier).

Ravis de l’enthousiasme suscité par leur initiative, Stéphane Benhamou et Daoud Tatou reviennent en détail sur leur action.

A propos de leur métier

Stéphane Benhamou : Je suis directeur d’une structure médico-sociale.

Je m’occupe, au sein de l’association Le Silence des Justes, des situations complexes en autisme que les institutions spécialisées n’arrivent plus à gérer.

Des situations qui passent par l’Unité sanitaire interdépartementale d’accueil temporaire d’urgence (USIDATU), avec qui on travaille.

Ils ont des unités mobiles qui évaluent l’urgence de ces cas, souvent diagnostiqués assez tôt mais ne trouvant pas forcément la place pour être pris en charge.

Or, en attendant que ça se débloque, la pathologie s’aggrave et l’autisme devient extrêmement sévère.

Sortir un ado de l’USIDATU se fait par étapes.

Le travail de nos équipes, composées de médecins, d’infirmiers, de psychologues, d’éducateurs spécialisés et d’animateurs, est de proposer, après une période d’observation, des activités qui les sortent du cadre médical.

Et c’est souvent le début d’une histoire, d’une restructuration, le départ d’une autre vie.

On ne se projette pas sur l’après, mais sur le moment présent.

On voit dans quelle mesure un détail va révéler chez l’enfant ou l’adolescent un centre d’intérêt, la plupart du temps artistique ou sportif, et commencer à construire une réorganisation d’un dysfonctionnement massif de ses fonctions cérébrales.

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Daoud Tatou : Officiellement, je suis directeur d’établissement, Le Relais. Honnêtement, je ne considère pas que je travaille.

Chaque matin, je rencontre des handicapés, des éducateurs, des situations, et le but est d’accompagner au mieux les jeunes.

Les spectateurs ont tendance à penser que Stéphane s’occupe de cas complexes, tandis que je forme des éducateurs.

En réalité, on s’occupe tous les deux de cas complexes, mais lui fait de l’internat, tandis que moi je m’occupe des formations avec des jeunes issus des quartiers.

Ils se présentent grâce au bouche-à-oreille.

Ça a commencé par un pote qui est venu bosser avec moi, puis un pote à lui nous a rejoints…

Ils ont commencé par manger des cailloux car ce n’était pas simple. Et puis on s’est dit que ce serait bien de leur payer une formation, et c’est ainsi que le processus de réinsertion s’est mis en place.

Entre 2000 et 2018, sur 100 personnes, on en a diplômé 84.

La sélection est rude. Le premier mois, ils ne sont pas payés.

Ils doivent être là de 8h15 à 17h.

Après, ils sont salariés et doivent effectuer huit mois de terrain, une remise à niveau scolaire quand il y a besoin, et là, enfin, ils entrent dans une formation qualifiante.

Chaque animateur à un référent qui doit surveiller la ponctualité, l’assiduité et la bonne compréhension du travail.

Certains arrêtent parce que c’est usant, d’autres parce qu’ils choisissent une autre voie on en a un qui est devenu ingénieur en informatique, la formation lui a permis de se découvrir une passion, il a repris confiance et exploite ses capacités.

Des héros très discrets

Stéphane Benhamou : Je laisse le terme de “héros” à la fiction du film.

Nous ne sommes ni des héros, et encore moins des hommes providentiels.

Hors normes traite d’une période qui remonte à 2010, quand on n’avait pas d’hébergements.

A l’époque, lorsqu’on est confronté à une situation apocalyptique comme, par exemple, un enfant autiste de 8 ans qu’on ne peut garder la nuit car on n’a qu’un accueil de jour, sa mère vient d’accoucher et elle ne peut pas s’en occuper, que faire ? On part du principe qu’il ne faut pas le dépayser et le mettre dans un appartement qu’on va louer.

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Il sera rejoint par un autre, puis encore un autre pour lequel il faudra un autre appartement…

Aujourd’hui, on a 44 enfants qui dorment dans des logements et ça marche. C’est même devenu la norme.

L’idée est de coller à l’inclusion, de vivre avec des voisins qui ont des gamins, réintégrer ces enfants dans le quotidien.

Daoud Tatou : Ce qui m’intéresse en premier lieu, c’est le capital humain de l’éducateur.

Ce qu’il est capable de donner à l’autiste, s’il est bon, protecteur, gentil.

Le fait de s’occuper d’une personne vulnérable les valorise, ils sont fiers qu’on leur fasse confiance.

Ça marche parce qu’on les respecte et on a augmenté leur potentiel.

De plus, ils ont l’avantage de ne pas craindre la violence et la différence pour les côtoyer tous les jours dans leur cité.

Ils l’apprivoisent avec beaucoup d’humour.

Ce qui est extraordinaire, c’est qu’on est en présence de deux populations fragilisées qui, au contact l’une de l’autre, génèrent quelque chose de positif.

Une fois diplômés, les référents avouent avoir beaucoup appris sur eux. Les autistes leur enseignent la patience, la pédagogie, l’aide mutuelle…

On finit par se demander qui soigne qui et j’ai l’impression qu’à ce jeu-là, les autistes sont de bons médecins.

  • Percer le secret de la communication…Stéphane Benhamou : En 1998, je vois Daoud au théâtre du Lucernaire faire un rap avec des autistes.

    Je trouve cela fabuleux.

    Je demande au médecin psychiatre qui m’a invité de me le présenter. “Vous êtes sûr ? me dit-il.

    Parce qu’il est musulman…”

    Et je lui réponds : “Non seulement je suis sûr, mais en plus, je veux absolument travailler avec lui !”.

    Avec Daoud, ça a immédiatement matché.

    Et on ne s’est jamais plus lâché. A travers son initiative rap, Daoud a percé le secret de la communication avec les autistes.

    J’ai su qu’il m’apprendrait beaucoup de choses.

    Et on échange tous les jours.

    Le simple accompagnement d’un autiste dans un club sportif, à travers par exemple l’association Un ballon pour tous, suffit à ce que l’enfant sorte de sa stéréotypie gestuelle, de ses balancements…

    Quand il est dans l’activité, sur une piste de ski, dans une piscine, sur un terrain de foot, l’autisme s’en va.

    C’est vérifié.

    Même dans les cas complexes.

    En août dernier, on a fait de la bouée tractée à Evian avec, tour à tour, 28 autistes, leur expression émotionnelle était unique.

    Daoud Tatou : On a réussi, sans même le vouloir, à créer des sas où chacun, éducateurs et autistes, est d’égal à égal.

    On le voit bien dans le film : sur une patinoire, on galère tous, autiste ou pas. Pareil quand on fait de l’accrobranche : on a tous plus ou moins le vertige.

    Et toutes ces activités (on fait aussi du quad, de la piscine, du parapente, du canoë-kayak) valorisent à la fois les autistes, et les jeunes des quartiers qui veulent se montrer à la hauteur.

    De la symbolique d’un juif et d’un musulman très pratiquants travaillant main dans la main…

    Stéphane Benhamou : Nous ne sommes que deux personnes qui s’aiment. Tout simplement.

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    Il est musulman, je suis juif, et alors ? On va se priver d’une belle amitié à cause de la religion ? Jamais de la vie.

    Si la religion m’interdisait d’être ami avec un musulman, alors je choisirais l’amitié. Oui, il est très pratiquant, et je le suis aussi.

    Mais cela n’interfère en rien dans nos relations.

    Daoud Tatou : Vu de l’extérieur, ça interroge.

    Surtout en ce moment, où le climat est délétère.

    Mais cela fait vingt ans qu’on est ensemble, qu’on travaille main dans la main sans nous poser de question.

    Je suis musulman pratiquant, Stéphane est fils de rabbin et son association Le Silence des Justes est né d’un projet communautaire (aujourd’hui ouvert à tous), mais le principe de laïcité est ancré en nous selon la loi de 1905 : venez comme vous êtes, mais ne polluez pas l’autre.

    Nous avons un pot commun : les personnes en situation de handicap. Nous sommes motivés par notre foi respective.

    A propos du film

    Stéphane Benhamou : J’adore que de vrais autistes y jouent.

    Si ça n’avait pas été le cas, je ne pense pas que j’aurais participé au projet.

    Il y avait une appréhension car il s’agissait d’une fiction.

    Il fallait qu’Eric et Olivier trouvent le bon scénario.

    L’idée est venue en septembre 2017, avec les difficultés que rencontrait l’association.

    Eric et Olivier m’ont posé plein de questions, se sont renseignés. Ce film va permettre d’ouvrir le spectateur à l’autisme, le terme “autiste” ayant beaucoup été utilisé, que ce soit en politique ou dans les médias, dans des phrases où il n’avait rien à y faire.

    Daoud Tatou : Le film aide notre démarche, à Stéphane et moi, qui consiste à faire découvrir aux gens qu’il existe tout un pan d’autistes qu’ils ignorent.

    89% des parents de cas complexes sont divorcés.

    La mère, faute de place dans un centre d’accueil spécialisé, est obligée de garder son enfant, ne peut plus travailler, obtient une petite allocation PCH [Prestation de compensation du handicap], le mari part dans la majeure partie des cas, s’ensuit d’énormes problèmes de fratrie la maman s’occupant évidemment plus de l’enfant autiste que des autres, livrés à eux-mêmes…

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    Tout cela, Hors normes le met en lumière et participe à notre combat pour obtenir du pouvoir en place de l’argent et des agréments pour des accueils de jour médicalisés. Le cinéma sert à cela. A sensibiliser, à informer et à aider.

    Source : https://www.msn.com
    Crédit photo : Capture d’écran

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