L’allocution de Macron sur les gilets jaunes a mis le feu aux pages Facebook du mouvement

Entre SMIC et CSG, Emmanuel Macron a promis plusieurs mesures en faveur du pouvoir d’achat. Pas de quoi satisfaire les gilets jaunes.

Le président de la République a sorti la lance à incendie.

En 13 minutes d'”adresse à la Nation” ce lundi 10 décembre, Emmanuel Macron a tenté de convaincre les Français en lutte pour leur pouvoir d’achat depuis près d’un mois et de rassurer l’ensemble de la population après les scènes d’une rare violence qui ont secoué le pays en marge des manifestations.

Un discours très attendu livré depuis le palais présidentiel qui a instantanément enflammé les pages Facebook des gilets jaunes, là où est né et perdure encore le mouvement.

Entre les internautes contestataires qui critiquent le fond, ceux qui attaquent la forme et les plus modérés qui souhaitent voir la mobilisation s’arrêter, les réactions ont été aussi vives que nombreuses au sein de ces communautés.

Le “débrief” de Maxime Nicolle aka Fly Rider, une des figures du mouvement a été suivi en direct ou visionné à posteriori par plus de 200.000personnes en trois heures.

Sous le titre “les miettes tombent”, les commentaires et réactions se sont multipliés.

Tout comme les publications plus ou moins virulentes qui ont fleuri sur toutes les pages du mouvement.

Une ébullition généralisée assez inédite mais pas forcément favorable au président de la République, malgré les annonces de la revalorisation du SMIC et de l’annulation de la hausse de la CSG pour les retraités les plus fragiles.

Deux mesures réclamées de longue date par les gilets jaunes.

Pourtant, comme le laissait présager le titre de la vidéo de Maxime Nicolle, la majeure partie des réactions est hostile au président de la République et à son discours.

“Trop peu, trop tard après tant de violance (sic) et de mépris!!! À samedi!!!”, a simplement réagi Eric Drouet, un autre leader officieux du mouvement sur sa page Facebook “la France en colère!!!”, l’une des plus suivies du mouvement avec 250.000 abonnés.

Sa publication a été partagée à 2800 reprises et a suscité presque autant de commentaires.

Un discours qui reflète bien l’état d’esprit majoritaire des internautes qui ont publié un message pendant ou juste après la prise de parole du président de la République.

Mais également celui des gilets jaunes qui se sont relayés dans les médias tout au long de la soirée pour tenter de porter la parole – plus ou moins “officielle” – du mouvement.

“Macron n’a pas pris la mesure de ce qui se passait”, avançait par exemple Pierre-Gaël Laveder, manifestant à Montceau-les-Mines. “Chaque annonce a été huée et la première réaction a été: ‘On se fout de notre gueule'”, a-t-il témoigné après avoir regardé l’intervention avec une soixantaine de gilets jaunes.

Même teneur sur Facebook.

Les mesures promises ont été jugées au mieux insuffisantes, au pire indécentes par la majorité des internautes gilets jaunes. Et plus que la hausse du SMIC ou les heures supplémentaires défiscalisées, c’est l’absence du “RIC”, leur revendication phare qui a été particulièrement commentée.

“On t’a dit qu’on voulait pas les miettes! On veut récupérer la boulangerie et dégager le boulanger”, commente par exemple un contestataire, réclamant un référendum d’initiative citoyenne permettant de destituer le président de la République.

Critiqué sur le fond, Emmanuel Macron a eu un peu de mal à convaincre sur la forme également.

Alors que la vidéo en direct face caméra est devenue le moyen d’expression et d’information privilégié au sein de ces communautés, certains gilets jaunes n’ont pas compris que le chef de l’État enregistre son intervention.

Une forme de mépris pour ces internautes qui développent toujours plus de colère à son égard.

“Tu as même pas les couilles de nous parler en direct”, regrette par exemple un internaute sur une page locale du mouvement.

Et si certaines voix dissonantes tentent bien de se faire entendre, leurs messages ne restent pas disponibles longtemps sur ces pages.

“J ai soutenu les gilets jaunes, mais si le mouvement continu je ne les soutiendrai plus. Des annonces fortes ont été faites… je n ai pas envie de vivre ce que la Grèce a vécu il y a quelques années… soyez raisonnables! (sic)”, écrivait par exemple un internaute sur le mur de la page intitulée “gilet jaune” avant que son message ne disparaisse subitement.

Dans les médias c’est Jacline Mouraud, une figure aussi emblématique que contestée du mouvement qui porte la voix de ces gilets jaunes qualifiés de “modérés”.

La Bretonne a ainsi appelé à “une trêve” car “il y a des avancées, une porte ouverte”. “Maintenant il faut sortir de cette crise” car “on ne peut pas passer le reste de notre vie sur des ronds points”, a-t-elle ajouté.

Mais comme souvent, sa prise de position n’a pas du tout convaincu sur les nombreuses pages du mouvement.

La majeure partie des internautes qui s’expriment à son sujet estime qu’elle n’est pas du tout représentative du mouvement. Certains se moquent même ouvertement d’elle et, par ce biais, des propositions du président de la République également.

Mais au-delà de répondre au noyau dur déterminé de la mobilisation, l’enjeu pour Emmanuel Macron était de convaincre les Français qui approuvent le mouvement des gilets jaunes sans se mobiliser sur les routes ni les ronds-points.

Car c’est aussi et surtout le soutien populaire massif dont a bénéficié la mobilisation qui a suscité l’inquiétude au plus haut sommet de l’Etat.

Le but pour le président de la République “était de créer une brèche dans l’opinion” afin “de marginaliser les jusqu’au-boutistes”, estime Christian Delporte, expert en communication politique.

“Si ceux qui ont soutenu les gilets jaunes disent ‘arrêtez’, il aura gagné” selon lui.

Selon un sondage OpinionWay-LCI, le soutien aux gilets jaunes restait nettement majoritaire chez les Français (à 66%) après l’allocution d’Emmanuel Macron, mais 54% des sondés se prononçaient dans le même temps pour un arrêt du mouvement.

 

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