Ce que les gilets jaunes peuvent attendre de Macron

Emmanuel Macron prendra la parole dans la semaine. C’est peu dire que sa réponse est très attendue par les gilets jaunes.

Tout le monde ne parle désormais plus que de lui.

Au lendemain de l’acte IV de la mobilisation des gilets jaunes, la pression est maximale sur Emmanuel Macron. “Il a 48 heures pour trouver le ton et les réponses. Son mandat est en jeu”, dramatise le socialiste Julien Dray.

Le chef de l’Etat a contribué à accentuer ce sentiment en faisant savoir par ses proches qu’il s’exprimera dans les prochains jours. Benjamin Griveaux et Jean-Yves Le Drian ont confirmé ce dimanche que le président de la République prendra la parole à la télévision.

“Il travaille avec ses collaborateurs sur son allocution”, dit seulement l’Élysée sans avancer de date.

Les deux membres du gouvernement, comme tous les responsables politiques invités à commenter la situation, ont dit compter sur ce moment fort pour éviter un cinquième samedi de manifestation le 15 décembre, qui ne ferait qu’enfoncer un peu plus la France dans la crise.

“Son propos sera suffisamment fort pour que le mouvement s’enraye, que les casseurs soient dissuadés et que le débat républicain ait lieu”, veut croire le ministre des Affaires étrangères.

Seulement la réponse que le chef de l’Etat apportera est bien délicate à établir.

D’une part parce que les revendications des gilets jaunes ont évolué d’une considération purement fiscale à des problématiques sociales plus globales.

Et d’autre part, parce que nombre d’entre eux font d’Emmanuel Macron lui-même le responsable de leurs maux et ne le considèrent plus comme légitime pour prescrire le remède.

“C’est une chance pour lui de remettre son costume de président de la République.

Parce qu’on a vu, dans la manière dont les Français l’interpellent, qu’ils ne le considèrent plus comme tel”, a estimé Jean-Christophe Lagarde, le patron de l’UDI.

Qu’il leur parle de manière claire ?

Tous les membres du gouvernement interrogés depuis samedi soir confirment cependant une chose: le Président doit prendre la mesure de ce que Jean-Yves Le Drian appelle “le mal-être” des gilets jaunes. “Je suis sûr qu’Emmanuel Macron saura retrouver le chemin pour parler au cœur des gens”, a même lancé Benjamin Griveaux.

D’autres responsables politiques l’appellent à se mettre à la hauteur de ceux qui manifestent depuis des semaines.

Alain Juppé, dont la ville de Bordeaux a été très touchée par les violences, invite ainsi Emmanuel Macron “à s’exprimer dans un langage compréhensible de tous les Français”.

Plusieurs responsables de la majorité souhaitent par exemple que l’erreur commise sur la suspension des taxes sur le carburant ne se reproduise pas.

En entendant parler de “moratoire”, de nombreux manifestants ont eu l’impression que le pouvoir essayait de leur cacher quelque chose.

Qu’il infléchisse le cap?

Jusqu’à mardi dernier, il n’était pas question pour la majorité de toucher au fameux cap, notamment sur la transition écologique.

Et puis finalement l’exécutif a lâché sur la hausse des taxes sur le carburant au 1er janvier.

Certains dans la majorité veulent aller plus loin dans l’infléchissement.

Jean-Yves Le Drian appelle par exemple à mettre en place “un nouveau contrat social pour préparer l’État providence du 21e siècle”. Pour le Breton, ce doit être le coeur de la consultation qui va s’ouvrir samedi prochain.

S’il devra choisir d’autres mots pour convaincre les Français, Emmanuel Macron réfléchit bien à tenir compte du vaste problème du pouvoir d’achat.

Il est poussé aussi par des experts qui l’ont conseillé pendant sa campagne.

“Il faut réformer mais aussi accompagner les gens vulnérables.

On doit leur faire sentir que les efforts sont partagés”, réclame l’économiste Philippe Aghion, qui a travaillé sur le volet économique du programme présidentiel.

Qu’il annonce des mesures concrètes ?

Un ministre de premier plan le réclame: “Il faut qu’Emmanuel Macron annonce des mesures fortes et immédiates”.

Autrement dit, il ne pourra pas se contenter de prévoir une meilleure implication des Français dans la prise de décision ou renvoyer les décisions à dans trois mois à la fin de la consultation.

Une semaine après avoir reculé sur les taxes sur l’essence, le Président pourrait-il en faire de même sur le Smic, en annonçant par exemple un coup de pouce réclamé par les gilets jaunes ? Rien n’est moins sûr.

“C’est même être assez méprisant à leur endroit que considérer qu’un chèque suffira, pardonnez moi l’expression, à les calmer. Vous n’achetez pas la colère des gens ce n’est pas vrai”, a balayé Benjamin Griveaux.

Vendredi, le gouvernement a tenté de convaincre le patronat de souscrire à sa prime défiscalisée de 1000 euros qui pourrait être accordée aux salariés.

D’autres mesures concrètes sont évoquées dans les rangs de la majorité: prime mobilité ou suppression de charges pour les bas-salaires.

Prévue pour septembre 2019, la désocialisation des heures supplémentaires (le fait de ne pas les soumettre aux charges sociales) pourrait être avancée au 1er janvier. Mais aucune de ces pistes ne semble en mesure à elle seule de faire retomber la pression.

Qu’il renonce à des réformes polémiques?

L’opposition de gauche exhorte le président de la République à revenir sur la suppression de l’ISF décidée en début de mandat. Pour le moment, la majorité répond évaluation de la réforme qui incarne sa philosophie économique.

Revenir dessus serait un symbole fort mais cela serait interprété comme un aveu de faiblesse qui réduirait les capacités de réforme à venir. Quant aux 80km/h, ils sont tellement liés à Édouard Philippe que revenir dessus reviendrait à discréditer le premier ministre.

Alors que se profilent en 2019 d’autres réformes explosives, une pause dans celles-ci est parfois évoquée dans les rangs macronistes: “Comment faire la révision constitutionnelle, la PMA, dans ces conditions”, se demande un pilier de la majorité qui voit aussi se profiler la réforme des retraites ou celle de la fonction publique.

Autant de sujets qui devraient être en discussion ce lundi à l’Élysée où les partenaires sociaux ont attendus.

Qu’il fasse des changements politiques?

Si la mobilisation de samedi avait débouché sur les mêmes scènes qu’une semaine auparavant, le ministre de l’Intérieur aurait été dans le viseur et ses jours place Beauvau comptés.

Cette hypothèse semble écartée tandis qu’un changement de premier ministre n’aurait de sens qu’en cas de changement de cap.

La démission d’Emmanuel Macron, réclamée par de nombreux gilets jaunes, n’est pas plus d’actualité que la dissolution de l’Assemblée nationale dont Jean-Luc Mélenchon a répété samedi qu’elle lui paraissait être “une issue raisonnable”.