Les gilets jaunes, “une jacquerie moderne”
Le politologue et sondeur Jérôme Sainte-Marie, président de PollingVox, analyse la spécificité du mouvement de contestation.
Deux jours après la mobilisation nationale des gilets jaunes, le 17 novembre, contre la hausse des prix du carburant, et alors que des actions se poursuivent sur certaines routes de France, ce lundi, retour sur la nature de ce mouvement avec Jérôme Sainte-Marie.

Jérôme Sainte-Marie : C’est une réussite en ceci qu’il n’était pas évident que l’émulation virtuelle sur internet se traduise par une mobilisation concrète. Cela témoigne de la profondeur du ressentiment, en dehors des rituels codifiés des manifestations syndicales classiques. Ce mouvement transpolitique a trouvé son homogénéité dans une appartenance sociologique très marquée la France qui travaille mais qui a du mal à s’en sortir ainsi que dans une communauté de détestation à l’égard du pouvoir en place. Y compris dans des formes parfois acrimonieuses.
Quelle est la singularité de ce mouvement, notamment par rapport à celui des Bonnets rouges de 2013 ?
C’est sa généralité. Il n’a pas de dimension régionale, comme en avait le mouvement breton des Bonnets rouges. Il n’est pas non plus lié à une activité professionnelle précise, comme avait pu l’être, par exemple, la mobilisation contre les taxes des carburants, menée par les professionnels de la route en septembre 2000.
Son objet originel n’est pourtant pas général. Il s’agit de protester contre la hausse des taxes sur les carburants…
C’est précisément un sujet qui touche énormément de monde. Dans le budget des Français, les dépenses liées à l’automobile arrivent en deuxième position. Mais il ne s’agit là que du déclencheur. Le combustible du mouvement est l’impopularité du gouvernement auprès des Français.
Vous dites “les Français”. Mais Lesquels ?
A travers des sondages déjà réalisés, trois caractéristiques très fortes émergent au sein des sympathisants des gilets jaunes. Selon BVA, 78% des employés et des ouvriers se disent solidaires du mouvement. C’est 32 points de plus que les cadres (46%), dont les parcours en voiture sont pourtant plus longs, selon l’Insee. Il y a également une différenciation géographique. La France périphérique, où vit le “peuple central”, c’est-à-dire celui qui n’appartient ni aux classes les plus privilégiées, ni aux plus populaires, semble davantage concernée. Dans les petites communes et les communes rurales, le soutien dépasse 70%. Il est à 52% à peine dans l’agglomération parisienne. Un troisième clivage se superpose. Il est politique. C’est celui qui opposait la France du oui et la France du non lors du référendum de 2005 sur l’Europe.
Source : l’express.fr
Crédit photo : capture d’écran