L’animateur se confie sur sa relation houleuse avec la direction de France Télévisions et fait le point sur sa rentrée, marquée par les 20 ans du «Plus grand cabaret du monde», le 16 juin sur France 2.
« Faut que je vous raconte, j’ai encore failli y passer », lâche Patrick Sébastien en arrivant au Sporting club de Monte-Carlo, où il a délocalisé « Le plus grand cabaret du monde » pour fêter les 20 ans du divertissement phare de France 2, entouré d’Alain Delon et de Pamela Anderson.
Le voilà qui baisse son pantalon devant son équipe, dévoilant un énorme bleu à la cuisse droite. « Je me suis cassé la gueule sur scène la semaine dernière, explique-t-il. J’ai eu chaud. » Plus tard, il nous confiera avoir des coups de fatigue : « Je ne prends rien, même pas de vitamines. » Et pourtant, le saltimbanque de 65 ans en a encore sous le pied.
Que représentent les 20 ans du «Plus grand cabaret du monde» pour vous ?
PATRICK SEBASTIEN. Tout. Gamin, je regardais « La piste aux étoiles » dans la vitrine du marchand d’électroménager. Et je rêvais de ça, d’être là. Aujourd’hui, je suis dans mon rêve. C’est comme si un musicien se retrouvait à diriger le plus grand orchestre de France. Et puis faire venir Alain Delon comme parrain, c’est énorme pour moi qui le voyais comme un intouchable. Et dire qu’on était partis pour ne faire qu’un seul « Grand cabaret ». On nous disait que ça ne marcherait jamais une émission sur le cirque.
La saison prochaine, il n’y en aura plus que trois épisodes du «Plus grand cabaret du monde» et quatre «Années bonheur»…
Je ne critique pas ce choix, mais la direction ne me fait plus confiance. Je suis déçu. Parce qu’on mérite mieux. C’est l’émission la plus regardée sur TV5 monde, c’est une référence mondiale. Elle est plus que digne du service public. Je n’en demandais pas 25. J’en voulais juste deux de plus. Avant, il y en avait une par mois. J’ai un sentiment d’injustice. C’est pareil pour Michel Drucker. Je sais à quel point il en souffre. Alors qu’il suffirait d’un tout petit peu de reconnaissance. Qu’on ne nous dise pas Tu n’es rien, tu n’existes pas. Ce mépris-là, il est terrible. On est dans la mémoire collective. On fait partie du patrimoine.
On va encore dire que vous vous plaignez beaucoup…
Je ne me plains de rien. Je suis un privilégié. Mais quand tu vois les commandes des autres animateurs… Nagui peut se permettre de faire des prime times à 5 % parce qu’il tient l’access. Moi, si j’en fais une à 5 %, c’est fini, je suis dehors. Ruquier le samedi soir fait 8 % et il va en continuer à en avoir plein. On m’a enlevé des soirées pour mettre ces gens-là. Il y a clairement deux poids deux mesures. Alors oui, le Cabaret coûte cher, autour de 600 000 euros. Mais c’est la moitié de « The Voice » et trois fois moins qu’un téléfilm du samedi soir de France 3.
C’est une grosse perte financière pour votre société de production Magic TV ?
L’année dernière, on n’a fait que 100 000 euros de bénéfices. Et là, on va passer d’un chiffre d’affaires de 11 à 4 millions la saison prochaine. Je vais être obligé de licencier du monde. Moi, je suis payé convenablement mais je ne gagne même pas le salaire d’un joueur de foot de Ligue 2. Et on n’a jamais arnaqué personne. Ils m’ont envoyé 20 000 contrôles de la Cour des comptes, sans qu’ils ne trouvent rien.
Avez-vous l’impression d’être progressivement mis à la retraite ?
Oui. Mais ce n’est pas justifié. Je me dis que c’est dommage. Parce que, même à mon âge, j’ai encore des choses à montrer, à dire aux téléspectateurs. J’ai la sensation de bien faire mon travail et en retour, on me pénalise. D’un autre côté, ils voulaient que j’incarne un personnage récurent. Mais moi, on ne me formate pas. J’ai aussi refusé un « Meurtre à… ». Je ne comprends pas cette mode, les scénarios ne sont pas exceptionnels.
À la rentrée, vous deviez lancer une émission d’humour en deuxième partie de soirée…
Oui, mais finalement ils m’ont dit non. L’idée était très simple, je devais être entouré d’invités et d’humoristes qui viennent faire leurs sketchs. Une sorte de « Grand échiquier » de l’humour sans se prendre la tête. Je pensais que ça pouvait faire du bien. Mais tu ne peux quasiment plus manier l’humour à la télé. La faute aux réseaux sociaux. Il y a des gens qui n’attendent qu’un prétexte pour me faire virer. Comme pour Tex. En revanche, Nagui peut faire des blagues de cul tous les midis sans qu’on ne lui dise rien. Et en même temps, je l’ai un peu cherché. Quand je chante « Une petite pipe et au lit » en prime time, ce n’est pas innocent.
Dorénavant, vous avez une clause de non-dénigrement dans votre contrat…
Effectivement, c’est la première fois que c’est écrit noir sur blanc. Je me retiens de tout balancer. J’en aurais à dire. Peut-être qu’un jour… A la limite, on me remplacerait par des jeunes avec des émissions qui marchent bien. Pourquoi pas ! Mais ce n’est pas le cas. Je n’en veux même pas à la direction de France Télévisions. C’est plus une volonté gouvernementale. C’est ça qui m’emmerde.
Qu’entendez-vous par «une volonté gouvernementale» ?
Les choix de la ministre de la Culture et du ministre de budget sont des choix élitistes. Pourtant, quand j’en parle au président, il me répond qu’il est d’accord avec moi, qu’il ne pense pas que le populaire soit méprisable (lire ci-dessous). Mais apparemment, il y a d’autres gens qui prennent des décisions contre lesquelles il ne peut rien.
Vous avez déjà envisagé de quitter France 2 ?
Pour aller où ? Sur TF 1 ? Impossible, je ne rassemble pas assez de ménagères. M 6, pareil. Il y aurait bien C8. Je suis très pote avec Cyril Hanouna. Si je veux y aller, c’est possible. Mais je n’ai pas envie d’avoir dix minutes de pub pendant mes émissions. Et puis, ils recyclent tout. Moi, je suis un artiste. Je ne vais pas aller faire un jeu. J’aimerais animer un talk-show bienveillant. Des idées, j’en ai plein.
Que vous inspire la télé aujourd’hui ?
Je suis ravi de fabriquer des émissions. Mais… Je ne suis pas un animateur comme les autres. C’est un milieu qui ne me va plus, qui me gonfle. Ça s’est vraiment déshumanisé. Heureusement, il me reste l’écriture et la scène. Je suis entouré de gens gentils qui ne me crachent pas à la figure. Ça, c’est la vraie vie.
Dans votre spectacle «Avant que j’oublie», vous dites que France 2 a déjà prévu votre hommage…
France 2, TF 1, tout le monde. Comme pour Johnny ou Michel Drucker. Mais mon souhait, ça serait que le service public ne parle pas de moi. Je ne veux pas. Voilà. Le jour où je meurs, s’il y a des images qui passent sur le service public, ça sera contre ma volonté. En revanche, je veux des danseuses à mon enterrement. Je veux des obsèques joyeuses. J’y pense parce qu’à 65 ans, je peux faire un AVC demain.
LES PRÉSIDENTS ET LUI, TOUTE UNE HISTOIRE
Evoquer directement Emmanuel Macron ne pose aucun problème à l’animateur du « Plus grand cabaret du monde » (lire ci-dessus). Patrick Sébastien et les présidents de la République, c’est toute une histoire. Au point de se demander quel rôle ont joué ceux qu’il a côtoyés dans sa carrière. Mais lui se défend vigoureusement de toute connivence : « C’est mal me connaître. Que ça soit Chirac ou Hollande, je ne leur dois rien. J’ai de l’honneur. Mes amis, ce sont des voyous des années 70. Je n’ai jamais rien demandé à un président. »
Et de rappeler ce mois de mars 1996 où il fut viré de TF 1 après son imitation de Jean-Marie Le Pen en train de chanter « Casser du Noir » : « Vous croyez que Chirac est intervenu ? Pourtant, je m’étais engagé dans sa campagne. » Il nuance cependant que ce qui lui plaît chez un président, « c’est l’homme. Je me suis même récemment réconcilié avec Sarkozy. Mon rêve, ça serait de mettre le mettre face à Hollande et les faire parler entre hommes de leur expérience. Tiens, ça serait un super concept d’émission. On ferait ça chez moi à la campagne, pas dans un studio. J’adorerais. »
Source : leparisien.fr
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